Septembre 1983, Chantilly, Alain de Royer-Dupré fait le tour de son effectif de juveniles provenant de l’élevage de S.A. l’Aga Khan. Certains ont déjà couru dont surtout Masarika, lauréate du Prix du Bois (Gr.3) et du Prix Robert Papin (Gr.2) et troisième du Prix Morny (Gr.1). D’autres, tels Abdari, Lashkari et Yashgan semblent prometteurs, tout comme un étrange poulain bai foncé répondant au nom de Darshaan.
Conçu lors de la deuxième saison de monte du gagnant de Derby St. (Gr.1) Shirley Heights (Mill Reef), quatrième produit de la poulinière Boussac placée du Prix de Pomone (Gr.3) Delsy après trois vainqueurs (dont un sauteur utile et un placé du Grand Prix de Vichy Gr.3), l’animal est étonnant. Fort et solide (1,66 m), doté de beaucoup d’abattage et de tenue, il déconcerte par sa façon de galoper, la tête plus basse que la croupe, encolure horizontale, complètement sur les épaules. Très inconfortable pour son jockey, mais Yves Saint-Martin en a vu d’autres, même rênes longues !
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Septembre 1983, Chantilly, Alain de Royer-Dupré fait le tour de son effectif de juveniles provenant de l’élevage de S.A. l’Aga Khan. Certains ont déjà couru dont surtout Masarika, lauréate du Prix du Bois (Gr.3) et du Prix Robert Papin (Gr.2) et troisième du Prix Morny (Gr.1). D’autres, tels Abdari, Lashkari et Yashgan semblent prometteurs, tout comme un étrange poulain bai foncé répondant au nom de Darshaan.
Conçu lors de la deuxième saison de monte du gagnant de Derby St. (Gr.1) Shirley Heights (Mill Reef), quatrième produit de la poulinière Boussac placée du Prix de Pomone (Gr.3) Delsy après trois vainqueurs (dont un sauteur utile et un placé du Grand Prix de Vichy Gr.3), l’animal est étonnant. Fort et solide (1,66 m), doté de beaucoup d’abattage et de tenue, il déconcerte par sa façon de galoper, la tête plus basse que la croupe, encolure horizontale, complètement sur les épaules. Très inconfortable pour son jockey, mais Yves Saint-Martin en a vu d’autres, même rênes longues !
Darshaan débuta à Longchamp le 18 septembre face à quatre adversaires dont … il ne verra que les postérieurs, terminant son parcours à douze longueurs du modeste vainqueur. Performance trop mauvaise pour être exacte…
Nouvelle tentative, cette fois à Saint-Cloud, et Darshaan montre cette fois son vrai visage : victoire ridicule de facilité, six longueurs devant son dauphin. Il est aussitôt testé au niveau supérieur et s’octroie le Critérium de Saint-Cloud (Gr.2 -2000 m) avec autorité. On peut désormais rêver du Prix du Jockey Club (Gr.1 - 2400 m), son pedigree rappelant celui de Acamas par le croisement Mill Reef x Abdos x Tourzima…
Pour sa rentrée dans le Prix Greffulhe (Gr.2), Darshaan affronte trois adversaires dont Long Mick, invaincu en deux sorties l’an passé et considéré comme le meilleur 2 ans français. Darshaan n’en fera qu’une bouchée, sans que son jockey eût besoin d’ouvrir les doigts. Il confirmera dans le Prix Hocquart (Gr.2) malgré le manque de train, offrant au passage sa 3000ème victoire à Yves Saint-Martin !
Difficile cependant de voir en lui un favori incontournable du Derby français, ce que la présence de 16 opposants dont plusieurs anglais et irlandais de premier plan confirme. Mais sur la piste, Darshaan se montra le plus fort en remontant chacun de ses rivaux dans la dernière ligne droite dont surtout Sadler’s Wells, deuxième au poteau, et Rainbow Quest, troisième de l’épreuve. Un trio de futurs grands Chefs de Race devançant de 6 longueurs le reste du peloton !
La suite de la carrière sportive de Darshaan se déroula comme elle avait commencé. Décevant à Ascot dans les King George VI & Queen Elizabeth St. (Gr.1), seulement troisième du Prix Niel (Gr.3), inutile d’insister. Darshaan embarqua pour l’Irlande (Gilltown Stud) pour entamer sa carrière de reproducteur.
Disposant d’une jumenterie haut de gamme au sein de l’élevage Aga Khan, il devint un reproducteur classique, certes pas aussi dominant que Sadler’s Wells mais suffisamment qualiteux pour engendrer une petite centaine de gagnants de Stakes dont 11 vainqueurs au plus haut niveau. On citera parmi eux Dalakhani, un Champion d’exception, et Mark of Esteem, un miler de grand talent…
La lignée mâle érigée par Darshaan compte au total cinquante étalons dont notamment Reliable Man, vainqueur du Prix du Jockey Club (Gr.1) comme son géniteur Dalakhani et comme son grand-père Darshaan, mais aussi Conduit, gagnant du St Leger (Gr.1) et de deux éditions de la Breeders’ Cup Turf (Gr.1), et Sir Percy, un lauréat du Derby (Gr.1).
Mais c’est avant tout par ses qualités exceptionnelles de père de mères que Darshaan défraya la chronique, et pour cause : ses filles ont engendré 47 gagnants de 83 courses de Gr.1 dont les classiques Alandi, Darsi, Ebadiyla, High Chaparral, Milan, Pour Moi, Sarafina, Sendawar, Septimus, Shawanda, Yesterday et Zainta !!!
Pour être un grand père de mères, plusieurs conditions sont requises et Darshaan cochait toutes les cases à lui seul : avoir été croisé à une jumenterie haut de gamme ; être issu d'une grande souche maternelle ; être porteur des imprinted genes dominants de sa lignée mâle (comprendre en cela la transmission de gènes qui ne s’expriment pas chez les juments mais qui s’expriment chez leurs produits, soit une génétique qui « saute » une génération) ; et enfin être à l’origine d’au moins un nick, un croisement au taux de réussite très supérieur à la norme. Et le nick Sadler’s Wells x Darshaan, les deux premiers du Prix du Jockey Club (Gr.1) 1984, fut l’un des plus efficaces que l’on ait connu : 24 gagnants de Gr.1 en mode direct et 7 en mode inversé…
Victime de coliques dans sa vingtième année, Chef de Race labellisé « solide », Darshaan restera longtemps dans nos mémoires comme dans les grands pedigrees classiques !